12/2/2024
Salvador Dalí, la douleur créatrice ?
Par Clément Rigaud
Une blessure incurable
Dali né seulement neuf mois après le décès de son frère, également prénommé Salvador. L’étrange concordance entre son aîné qu’il ne connaîtra jamais et lui, enfant de substitution, a instauré une rivalité insidieuse qui imprégnera sa vie et son œuvre.
Il devint le messie, célébré et attendu comme le sauveur familial par une famille catalane encore sous le joug du deuil. Choyé par sa mère, entouré du personnel familial, puis sous la protection vigilante de sa sœur cadette Anna-Maria, il fut élevé dans un cocon d'attention, où le culte de sa personne semblait l’ériger en un principe sacré, alimenté chez lui, tantôt d’un tempérament colérique et de caprices, tantôt d’un confort esquissant l’excessivité. Son père est imposant, autoritaire, d’une présence intense qui s'est immiscée jusque dans l’insanité créative du peintre, le transformant, lui aussi, en un personnage mythique, inscrit dans la fresque tourbillonnante de sa vie.
Paranoïaque
Le peintre s’autoproclame « Grand Paranoïaque ». Dans l’empreinte collective des travaux sur une nouvelle compréhension de la psyché humaine qui se succèdent dès le début du siècle, influencée par les approches émergentes sur la psychiatrie et de la théorie freudienne, Dalí, construit son propre cadre intellectuel et conceptuel permettant d'explorer les profondeurs de l'esprit humain et les méandres de l’inconscient. Dans les années 30, il entre en contact avec le cercle surréaliste dirigé par André Breton. Il apporte sa touche artistique à des œuvres majeures de Luis Buñuel, notamment "Un Chien andalou" (1929) et "L'Âge d'or" (1930), affine son style, d’un hyperréalisme reflétant sa passion pour les maîtres italiens et espagnols (Léonard de Vinci, Michel-Ange, Vélasquez…) infusé à l’esthétique nouvelle du cubisme et du futurisme et présente, à partir des études cliniques de Freud et Lacan, une méthode de création spontanée nommée « paranoïa critique ».
12/2/2024
Salvador Dalí, la douleur créatrice ?
Par Clément Rigaud
Une blessure incurable
Dali né seulement neuf mois après le décès de son frère, également prénommé Salvador. L’étrange concordance entre son aîné qu’il ne connaîtra jamais et lui, enfant de substitution, a instauré une rivalité insidieuse qui imprégnera sa vie et son œuvre.
Il devint le messie, célébré et attendu comme le sauveur familial par une famille catalane encore sous le joug du deuil. Choyé par sa mère, entouré du personnel familial, puis sous la protection vigilante de sa sœur cadette Anna-Maria, il fut élevé dans un cocon d'attention, où le culte de sa personne semblait l’ériger en un principe sacré, alimenté chez lui, tantôt d’un tempérament colérique et de caprices, tantôt d’un confort esquissant l’excessivité. Son père est imposant, autoritaire, d’une présence intense qui s'est immiscée jusque dans l’insanité créative du peintre, le transformant, lui aussi, en un personnage mythique, inscrit dans la fresque tourbillonnante de sa vie.
Paranoïaque
Le peintre s’autoproclame « Grand Paranoïaque ». Dans l’empreinte collective des travaux sur une nouvelle compréhension de la psyché humaine qui se succèdent dès le début du siècle, influencée par les approches émergentes sur la psychiatrie et de la théorie freudienne, Dalí, construit son propre cadre intellectuel et conceptuel permettant d'explorer les profondeurs de l'esprit humain et les méandres de l’inconscient. Dans les années 30, il entre en contact avec le cercle surréaliste dirigé par André Breton. Il apporte sa touche artistique à des œuvres majeures de Luis Buñuel, notamment "Un Chien andalou" (1929) et "L'Âge d'or" (1930), affine son style, d’un hyperréalisme reflétant sa passion pour les maîtres italiens et espagnols (Léonard de Vinci, Michel-Ange, Vélasquez…) infusé à l’esthétique nouvelle du cubisme et du futurisme et présente, à partir des études cliniques de Freud et Lacan, une méthode de création spontanée nommée « paranoïa critique ».
Méthode paranoïaque-critique
Dalí expose cette méthode comme l’auto-analyse des images obsédantes qui habitent son esprit et surgissent à sa conscience. La méthode consiste à l’interprétation d'images intrusives de son esprit, aussi appelé « mentisme », qui surgissent à un état de conscience limitée appelé conscience crépusculaire. C’est cette succession rapide d’images involontaires ou inconscientes, irrépressibles, à la manière de l’étrangeté des rêves lorsque nous dormons, que le peintre se veut dominer.
Il s’agit ainsi de la propre manifestation surréaliste de Dali, descendant elle-même des aspirations du mouvement dada, lui-même également intrinsèque aux révolutions nouvelles et aux découvertes de l’époque, notamment celles de la psychiatrie moderne.
Folie, audace ou genie ?
Les aspirations de Dali sont bien souvent effleurées tant son oeuvre théorique est déconcertante au mieux, morbide et répugnante au pire. Sexualité infantile, vie intra-utérine, pulsions orales, cannibalisme, etc. La fascination du peintre frôle l’impertinence ou la folie. Il semble qu’au dépend de l'émergence de la psychiatrie moderne et de l'étude des vices et des fantasmes dont s’imprègnent les réflexions surréalistes et les aspirations du mouvement, Dali se construit voir se conforte en leur sein.
Peut-être se veut-il davantage sujet que passionné.
« Mon corps comme mon esprit vivaient dans le mou et l’ambigu et j’existais aussi bien dans les objets que dans les paysages. Mon espace psychologique n’était pas cristallisé en un corps, mais au contraire, épars dans un espace indéfini, suspendu entre ciel et terre. [...] Auparavant, je confondais vraiment le délire et la réalité. Ma fonction de réalité était altérée. Ma structure fondamentale est toujours celle d’un grand paranoïaque. Mais je dois être le seul de mon espèce à avoir dominé et changé en puissance créatrice, en gloire et en joie, une aussi grave maladie de l’esprit. »
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